Pour la première fois
depuis 27 ans, le président du Faso va devoir tomber le masque et décliner ses
intentions en annonçant la tenue d’un référendum sur l’article 37 de la
constitution. En plus d’avoir des raisons et des intérêts très personnels, il a
été suffisamment mis sous pression par les faucons et les va-t-en-guerre dans
son camp pour monter ainsi au front, sabre au clair.
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Quand Sankara
succombait sous les balles de ses sbires, il n’était pas au courant, il n’a
jamais donné de tels ordres, disait-il.
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Quand Norbert Zongo se
consumait sur la route de Sapouy, il était en mission hors des frontières du
Burkina.
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A chaque élection
présidentielle, ce n’est jamais lui qui
annonce sa candidature.
Cette époque est
révolue désormais. Le président lointain mais omniprésent doit faire son coming
out de toute urgence puisque selon Edouard Ouédraogo, directeur de publication
de l’Observateur Paalga, « Blaise Compaoré s’est laissé surprendre par
l’échéance de 2015 ».
Ces troupes ont
failli. Ces généraux ont accumulé les erreurs tactiques entrainant une débâcle
stratégique depuis le CCRP jusqu’à l’amendement constitutionnel relatif au
sénat.Tout comme le sénat était un cheval de Troie, le référendum est le saint
graal qui justifie de jeter toutes ses forces dans la bataille.
A vrai dire, les gars
ont mouillé le maillot mais presque toutes les tentatives ont abouti à des
volte-face spectaculaires.
D’ECHECS EN ECHECS
JANVIER
Premier pétard
mouillé : le 11 janvier 2014 à Bobo-Dioulasso, en lieu et place du lancement d’une pétition pour le
référendum, la FEDAP/BC a organisé un simple meeting de soutien à Blaise
Compaoré. La chose avait été compromise par la démission fracassante de
plusieurs dizaines de caciques du parti au pouvoir quelques jours plus tôt. Les
marches géantes de l’opposition le 18 janvier sur toute l’étendue du territoire
sont venues davantage vitrifier les velléités.
FEVRIER
Un quatuor de
médiateurs sort du bois et s’attèle à mettre fin à la « recréation ».
Le groupe improvisé et rongé par des dissensions internes rendra le tablier le
10 mars. De l’ombre à la lumière et de la lumière à l’ombre. On ignore jusqu’à
présent quel était l’objet réel de la médiation.
MARS
Malgré tout il fut
décidé de lancer le référendum en mars juste au retour du président Blaise
Compaoré de son voyage privé en France. Toutefois, la position de François
Hollande fut pratiquement indéchiffrable. Deuxième couac.
Il fallait créer rapidement
un écran de fumée. Le 24 mars, un conseil des ministres extraordinaire annonça
des mesures sociales d’un montant de 110 milliards malicieusement repartis
entre fonctionnaires du public, femmes, retraités, commerçants, étudiants et
jeunes chômeurs.
AVRIL
Toujours dans
l’urgence, il fut mis sur pied un regroupement de partis politiques
« tubes digestifs » favorables au référendum sous le label
« front républicain ». Les partisans de Blaise Compaoré réunis sous
cet étendard parvinrent ainsi à laver l’affront du 18 janvier en remplissant
« recto verso » le stade Wobi de Bobo-Dioulasso le 12 avril.
MAI
L’honneur était sauf
pour les spin-doctor du président qui lui organisèrent aussitôt une tournée
nationale qui le conduisit à Koupela, Fada, Zorgho, Bagré, Tenkodogo,
Bobo-Dioulasso, Réo, Koudougou … Tout le mois de Mai y passa. Au menu :
bains de foule, poignées de mains, inaugurations, discours et promesses en tout
genre.
Mais nouveau coup de
massue : l’opposition coalisée avec des mouvements de la société civile
réussi encore une fois à renverser la tendance et attirer les feux des
projecteurs en remplissant le stade du 4 août à Ouaga pour un meeting géant le
31 mai.
JUIN
Le CDP se résolut
alors à sortir le grand jeu et à passer à la vitesse supérieure. Il fut décidé
d’appeler explicitement le président du Faso à convoquer le référendum en
prenant le monde entier à témoin. Le parti au pouvoir parvint ainsi à remplir
le stade du 4 août le 21 juin, avec à la clé l’étalage de gigantesques moyens
financiers et logistiques. Malheureusement cette démonstration de force eu un
revers douloureux lorsque, contre toute attente, le stade se vida avant que le
premier responsable du parti ne prononce son infâme discours.
UN CALENDRIER SERRE
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Pas d’annonce de
référendum avant que la CENI ne termine son processus de révision des listes électorales.
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Pas d’annonce de
référendum avant le retour de vacance des ministres, magistrats et députés.
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Pas d’annonce de
référendum avant le sommet USA - Africa qui aura lieu les 5 et 6 Août aux
Etats-Unis.
(Petite parenthèse: Il
faudrait peut-être songer à couper toutes nos relations diplomatiques et
expulser l’ambassadeur des Etats Unis qui se mêle trop de nos affaires
politiques domestiques ?)
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Pas d’annonce de
référendum avant le sommet extraordinaire de l’Union africaine sur l’emploi qui
se tiendra en septembre prochain au Burkina Faso.
(Petite
parenthèse : les CRS n’ont pas été obligés de gazer les ministres pour les
déloger de leurs résidences réquisitionnées pour la circonstance. Ils ont eu
plus de chance que les étudiants expulsés le 1er et le 2 août 2013.)
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Ensuite, ce sera la
rentrée scolaire en octobre même si certains s’imaginent par ailleurs que les
syndicats ne bougeront pas le petit doigt puisque prétendument noyautés et
inféodés au régime.
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Notons au passage que
Blaise Compaoré, le « Monsieur bons offices » ouest-africain, semble
avoir repris son bâton de pèlerin pour aller prêcher la paix au Mali et
peut-être bientôt au Togo ? Quelle sera sa disponibilité réelle et sa
marge de manœuvre en cas de référendum au Burkina Faso ?
Voici les échéances
auxquelles le président du Faso doit faire face et négocier une fenêtre de tir
convenable. Pour schématiser c’est comme si, avec une seule balle, un tireur d’élite installé dans un avion
devait atteindre une cible assise dans un train roulant à grande vitesse. La
solution la plus simple c’est d’envoyer un missile sur le train et de tout
pulvériser. Y aura-t-il ou y a-t-il un projet de passage en force au
Burkina sur la question de l’article 37?
DES ERREURS DE
JUGEMENT
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Une erreur actuelle du
régime est de croire qu’on peut amadouer tout un peuple en faisant pleuvoir de
l’argent frais.
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L’autre erreur
monumentale est de croire à l’union sacrée de tous ceux qui braillent pour
appeler à la modification de l’article 37. Au premier coup de semonce, tous ces
opportunistes vont s’égailler dans la nature et renier le référendum comme
Pierre a renié le Christ.
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La dernière erreur
stratégique est de croire (ou de faire croire) que le référendum est
essentiellement une affaire « personnelle » entre le CDP et le MPP.
Entre Blaise et Roch. Entre Diendéré et Salif Diallo. Sans doute en polarisant
ainsi le débat, ils espèrent le vider de toute substance et éviter toute
appréciation objective ?
Cette affaire est une
affaire entre un président qui n’a aucun égard pour la parole donnée et un
peuple qui en a plus qu’assez de cette gouvernance qui spolie les plus
vulnérables. C’est une affaire entre un pouvoir qui navigue à vue et un peuple
qui en a marre des crimes de sang et des crimes économiques impunis.