Soyons des hommes pragmatiques. Essayons toujours, lorsque cela est possible, d'avoir le recul nécessaire et une vision d'ensemble de toute situation avant de prendre position.
Lorsqu'il s'agissait de s'opposer à la modification de l'article 37, face à l'argumentation des promoteurs qui consistait à présenter leur démarche comme étant tout à fait légale, nous la trouvions inopportune et insultante. Les motivations de la révision étaient plus qu'égoïstes.
Il ne fallait pas modifier la constitution parce que cela ouvrirait la voie à des dangers de toutes sortes. En cas de passage en force, la résistance des opposants au régime Compaoré et la répression en retour allaient invariablement rendre le pays ingouvernable pendant des années et ce sont les plus vulnérables qui allaient payer le prix fort. Le minimum de services sociaux de base, de sécurité des biens et des personnes et de création d'emplois n'allait plus pouvoir être assuré.
La non-révision nous évitait tout cela. La révision ne devait donc pas avoir lieu. Il n'y avait pas d'autres options. Nous avons en conséquence jeté toutes nos forces dans la bataille, l'insurrection a eu lieu, le projet a été abandonné entrainant la débâcle du système Compaoré.
A présent, il est question de nouvelle constitution et selon l'article 5 de la loi organique n°003-2015/CNT sur la CRNR : "La sous-commission réformes constitutionnelles, politiques et institutionnelles a pour attributions de proposer les amendements à la constitution du 2 juin 1991 et au besoin élaborer une nouvelle constitution."
Le décor est planté et tous les acteurs sont plus ou moins d'accord sur le principe. Les débats se focalisent plutôt sur le timing et les modalités du passage à une nouvelle république sans que cela n'engendre une prolongation de la transition:
1 - Vote au CNT avant les élections
2 - Par referendum couplé avec les élections prévues en octobre 2015 ou en janvier 2016
3 - A la discrétion du nouveau pouvoir établi post-élections
"Le temps est trop court d'ici la fin de la transition" "Il ne faut pas se précipiter pour écrire un texte avec des lacunes". " Il faut un débat national avant toute chose pour que les populations s'approprient le nouveau texte", "Le CNT n'a pas de prérogatives en la matière" ... affirment certains qui ne veulent pas entendre parler des deux premières options.
Peu importe si nous ne sommes pas des juristes spécialistes en élaboration de constitution. Soyons simplement des hommes et des femmes pragmatiques et avisés.
En ce qui concerne la troisième option " à la discrétion du nouveau pouvoir établi post-élections " et au regard des forces politiques en présence, voici les réalités que les politiciens refusent de voir:
- Aucun candidat ne sera élu au premier tour de l'élection présidentielle;
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- Il sera question de faire des alliances pour le second tour de la présidentielle surtout qu'on aura déjà une idée assez nette de la composition de la nouvelle assemblée nationale;
- Aucun parti politique n'obtiendra la majorité aux élections législatives d'octobre prochain;
- La nouvelle assemblée nationale sera bâtie autour d'une union nationale de façade qui va vite voler en éclat au gré des intérêts partisans;
- Le prochain gouvernement risque d'être un regroupement hétéroclite de fortes personnalités provenant de diverses chapelles politiques et le premier ministre pourrait ne pas appartenir au parti du président.
Alors, il apparait clairement que le premier réflexe du président élu et des députés ne sera certainement pas d'organiser un referendum ou de mener des débats parlementaires sur une nouvelle constitution.
Le président sera trop occupé à se confronter avec ses opposants au gouvernement et à l'assemblée.
Le président aura également hérité d'une situation économique difficilement soutenable (de son point de vue) pour financer un referendum.
Le président va donc décider en priorité d'assainir les finances publiques et de calmer le front social.
Lorsqu'il va échouer à améliorer la situation, il va accuser les opposants d'entraver ses actions et il va tenter, parce qu'il en a le pouvoir, de dissoudre l'assemblée nationale en vue d'organiser de nouvelles élections, espérant obtenir la majorité absolue.
Et les députés vont faire de la résistance et tenter à leur tour de destituer le président.
Et le projet de nouvelle constitution sera rangée aux calendes grecques.
Et si jamais le dossier ressortait avant la fin de son mandat, soyez sûr que le président décrétera qu'il n'est pas concerné par la limitation des mandats et qu'il a le droit de prendre part à la compétition comme si les compteurs avaient été remis à zéro.
Et la politique politicienne va revenir au devant de la scène.
Et le peuple sera de nouveau face à ses désillusions.
Tout comme il faut dissoudre (ou reformer c'est selon) le RSP qui avait été créé artificiellement par Blaise Compaoré pour sa sécurité exclusive, il faut de même, abandonner la constitution de 1991 qui avait été fabriquée sur mesure pour servir les desseins hégémoniques du président déchu.
Il faut une nouvelle constitution sinon nous ne sommes pas prêts d'en finir avec les crises politiques à répétition. Et il la faut maintenant, parce qu'après, l'agenda politique se substituera à l'agenda du peuple. Et comme chacun le sait, le politicien ne voit pas plus loin que la prochaine élection.
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Très belle analyse qui éclaire sur le sujet. il faut être proactif
RépondreSupprimerMerci pour le feed back
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