lundi 14 juillet 2014

DE JANVIER A JUIN 2014, 6 MOIS PALPITANTS AU PAYS DES HOMMES INTEGRES : PETITES TRAHISONS ENTRE AMIS ET JEUX D’ALLIANCE.



Pour la première fois depuis 27 ans, le président du Faso va devoir tomber le masque et décliner ses intentions en annonçant la tenue d’un référendum sur l’article 37 de la constitution. En plus d’avoir des raisons et des intérêts très personnels, il a été suffisamment mis sous pression par les faucons et les va-t-en-guerre dans son camp pour monter ainsi au front, sabre au clair.

·         Quand Sankara succombait sous les balles de ses sbires, il n’était pas au courant, il n’a jamais donné de tels ordres, disait-il.

·         Quand Norbert Zongo se consumait sur la route de Sapouy, il était en mission hors des frontières du Burkina.

·         A chaque élection présidentielle,  ce n’est jamais lui qui annonce sa candidature.

Cette époque est révolue désormais. Le président lointain mais omniprésent doit faire son coming out de toute urgence puisque selon Edouard Ouédraogo, directeur de publication de l’Observateur Paalga, « Blaise Compaoré s’est laissé surprendre par l’échéance de 2015 ».

Ces troupes ont failli. Ces généraux ont accumulé les erreurs tactiques entrainant une débâcle stratégique depuis le CCRP jusqu’à l’amendement constitutionnel relatif au sénat.Tout comme le sénat était un cheval de Troie, le référendum est le saint graal qui justifie de jeter toutes ses forces dans la bataille. 

A vrai dire, les gars ont mouillé le maillot mais presque toutes les tentatives ont abouti à des volte-face spectaculaires.


D’ECHECS EN ECHECS


JANVIER
Premier pétard mouillé : le 11 janvier 2014 à Bobo-Dioulasso, en lieu et place  du lancement d’une pétition pour le référendum, la FEDAP/BC a organisé un simple meeting de soutien à Blaise Compaoré. La chose avait été compromise par la démission fracassante de plusieurs dizaines de caciques du parti au pouvoir quelques jours plus tôt. Les marches géantes de l’opposition le 18 janvier sur toute l’étendue du territoire sont venues davantage vitrifier les velléités. 

FEVRIER
Un quatuor de médiateurs sort du bois et s’attèle à mettre fin à la « recréation ». Le groupe improvisé et rongé par des dissensions internes rendra le tablier le 10 mars. De l’ombre à la lumière et de la lumière à l’ombre. On ignore jusqu’à présent quel était l’objet réel de la médiation. 

MARS
Malgré tout il fut décidé de lancer le référendum en mars juste au retour du président Blaise Compaoré de son voyage privé en France. Toutefois, la position de François Hollande fut pratiquement indéchiffrable. Deuxième couac. 
Il fallait créer rapidement un écran de fumée. Le 24 mars, un conseil des ministres extraordinaire annonça des mesures sociales d’un montant de 110 milliards malicieusement repartis entre fonctionnaires du public, femmes, retraités, commerçants, étudiants et jeunes chômeurs.

AVRIL
Toujours dans l’urgence, il fut mis sur pied un regroupement de partis politiques « tubes digestifs » favorables au référendum sous le label « front républicain ». Les partisans de Blaise Compaoré réunis sous cet étendard parvinrent ainsi à laver l’affront du 18 janvier en remplissant « recto verso » le stade Wobi de Bobo-Dioulasso le 12 avril.

MAI
L’honneur était sauf pour les spin-doctor du président qui lui organisèrent aussitôt une tournée nationale qui le conduisit à Koupela, Fada, Zorgho, Bagré, Tenkodogo, Bobo-Dioulasso, Réo, Koudougou … Tout le mois de Mai y passa. Au menu : bains de foule, poignées de mains, inaugurations, discours et promesses en tout genre.
Mais nouveau coup de massue : l’opposition coalisée avec des mouvements de la société civile réussi encore une fois à renverser la tendance et attirer les feux des projecteurs en remplissant le stade du 4 août à Ouaga pour un meeting géant le 31 mai.

JUIN
Le CDP se résolut alors à sortir le grand jeu et à passer à la vitesse supérieure. Il fut décidé d’appeler explicitement le président du Faso à convoquer le référendum en prenant le monde entier à témoin. Le parti au pouvoir parvint ainsi à remplir le stade du 4 août le 21 juin, avec à la clé l’étalage de gigantesques moyens financiers et logistiques. Malheureusement cette démonstration de force eu un revers douloureux lorsque, contre toute attente, le stade se vida avant que le premier responsable du parti ne prononce son infâme discours.


UN CALENDRIER SERRE

·         Pas d’annonce de référendum avant que la CENI ne termine son processus  de révision des listes électorales.

·         Pas d’annonce de référendum avant le retour de vacance des ministres, magistrats et députés.

·         Pas d’annonce de référendum avant le sommet USA - Africa qui aura lieu les 5 et 6 Août aux Etats-Unis.
(Petite parenthèse: Il faudrait peut-être songer à couper toutes nos relations diplomatiques et expulser l’ambassadeur des Etats Unis qui se mêle trop de nos affaires politiques domestiques ?)

·         Pas d’annonce de référendum avant le sommet extraordinaire de l’Union africaine sur l’emploi qui se tiendra en septembre prochain au Burkina Faso.
 (Petite parenthèse : les CRS n’ont pas été obligés de gazer les ministres pour les déloger de leurs résidences réquisitionnées pour la circonstance. Ils ont eu plus de chance que les étudiants expulsés le 1er et le 2 août 2013.)

·         Ensuite, ce sera la rentrée scolaire en octobre même si certains s’imaginent par ailleurs que les syndicats ne bougeront pas le petit doigt puisque prétendument noyautés et inféodés au régime.

·         Notons au passage que Blaise Compaoré, le « Monsieur bons offices » ouest-africain, semble avoir repris son bâton de pèlerin pour aller prêcher la paix au Mali et peut-être bientôt au Togo ? Quelle sera sa disponibilité réelle et sa marge de manœuvre en cas de référendum au Burkina Faso ?


Voici les échéances auxquelles le président du Faso doit faire face et négocier une fenêtre de tir convenable. Pour schématiser c’est comme si, avec une seule balle,  un tireur d’élite installé dans un avion devait atteindre une cible assise dans un train roulant à grande vitesse. La solution la plus simple c’est d’envoyer un missile sur le train et de tout pulvériser. Y aura-t-il ou y a-t-il un projet de passage en force au Burkina sur la question de l’article 37?


DES ERREURS DE JUGEMENT

·         Une erreur actuelle du régime est de croire qu’on peut amadouer tout un peuple en faisant pleuvoir de l’argent frais.

·         L’autre erreur monumentale est de croire à l’union sacrée de tous ceux qui braillent pour appeler à la modification de l’article 37. Au premier coup de semonce, tous ces opportunistes vont s’égailler dans la nature et renier le référendum comme Pierre a renié le Christ.

·         La dernière erreur stratégique est de croire (ou de faire croire) que le référendum est essentiellement une affaire « personnelle » entre le CDP et le MPP. Entre Blaise et Roch. Entre Diendéré et Salif Diallo. Sans doute en polarisant ainsi le débat, ils espèrent le vider de toute substance et éviter toute appréciation objective ?

Cette affaire est une affaire entre un président qui n’a aucun égard pour la parole donnée et un peuple qui en a plus qu’assez de cette gouvernance qui spolie les plus vulnérables. C’est une affaire entre un pouvoir qui navigue à vue et un peuple qui en a marre des crimes de sang et des crimes économiques impunis.